• Congo : sur l'affaire Ossébi, le silence de la France est éloquent

    Congo : sur l'affaire Ossébi, le silence de la France est éloquent

    Source : Rue 89


    Nicolas Sarkozy accueilli à Brazzaville par Denis Sassou Nguesso (Philippe Wojazer/Reuters).

    Le 2 février 2009, Bruno Jacquet Ossébi, 44 ans, ressortissant franco-congolais, chroniqueur politique sur Mwinda -journal de l'opposition congolaise sur Internet- décédait à l'hôpital militaire de Brazzaville après y avoir été hospitalisé pour des brûlures au second degré causées par l'incendie mystérieux de son domicile survenu dans la nuit du 21 janvier 2009. Un incendie qui a causé la mort de sa compagne et de ses deux enfants. Le même jour, un incendie similaire survenait à Saint-Ay, près d'Orléans, au domicile de Benjamin Tougamani, dissident politique congolais exilé en France.

    Le 19 février 2009, l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT-France) interpellait les autorités françaises sur cette affaire et leur demandait « d'exhorter les autorités congolaises à enquêter de manière approfondie, indépendante et transparente, sur les circonstances et les causes de l'incendie de la demeure de M. Ossébi ainsi que sur son décès [et] d'apporter leur aide technique aux autorités congolaises, en envoyant une équipe d'enquêteurs comprenant un médecin légiste ».

    A la veille de la visite présidentielle française au Congo-Brazzaville, le 25 mars 2009, sept organisations, dont l'ACAT-France, appelaient le Président Nicolas Sarkozy à exiger « que toute la lumière soit faite sur cette affaire ». A notre connaissance, l'affaire Ossébi n'a pas été abordée lors de la rencontre avec le Président Denis Sassou Nguesso. A ce jour, aucune réponse n'a été apportée à nos différents courriers.

    Retour sur l'affaire Ossébi

    Bruno Jacquet Ossébi était connu pour ses articles sur la corruption au Congo. Le 19 janvier 2009, il avait révélé dans un article intitulé « Pétrole contre poignée de dollars » que la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) essayait de négocier un prêt gagé de 100 millions de dollars sur le pétrole via la BNP Paribas, pratique interdite
    par loi.

    Messieurs Ossébi et Tougamani envisageaient tous les deux de se porter partie civile dans la plainte pour « recel de détournements de fonds publics » contre les présidents du Congo, de la Guinée-équatoriale et du Gabon, déposée le 2 décembre 2008 au parquet de Paris, aux côtés de Transparence International et de Sherpa[v]. Leur implication aurait potentiellement renforcé la partie civile.

    En France, la police n'a pas jugé utile d'ouvrir une enquête sur l'incendie de la demeure de M. Toungamani. Deux mois plus tôt, M. Toungamani avait pourtant porté plainte contre X pour menaces de mort contre sa famille alors qu'il projetait déjà de joindre son nom à ladite plainte.

    Alors qu'il était à l'hôpital, Bruno Jacquet Ossébi a indiqué à l'un de ses proches qu'il regardait seul la télévision dans le salon lorsqu'il a entendu « un vacarme » dans la pièce d'à côté. En ouvrant la porte de cette pièce, il a été fauché au sol par un jet de flammes. Gravement brûlé, le journaliste est sorti de sa maison en rampant avant de tenter en vain de retourner à l'intérieur pour sauver ses proches. Les sapeurs-pompiers ont rapidement déterminé la cause de
    l'incendie comme étant un « court-circuit ».

    Ni les pompiers ni les policiers ne sont venus interroger Bruno Jacquet Ossébi durant son séjour à l'hôpital. Le 2 février, la veille de son évacuation médicale prévue vers la France, Bruno Jacquet Ossébi décède brutalement alors qu'il semblait se rétablir de ses blessures. Le certificat de décès indique que le journaliste est mort d'un « arrêt cardio-respiratoire ». Cinq jours plus tard, son corps est enterré à Brazzaville sans qu'aucune autopsie n'ait été effectuée.

    Les autorités exhortées « à mener une enquête approfondie »

    La presse congolaise s'est peu intéressée aux questions soulevées par cette affaire. Plusieurs journalistes congolais ont déclaré au Comité pour la protection des journalistes (CPJ) craindre de la traiter. Les médias français y ont par contre consacré plusieurs articles et reportages : « Françafrique : incendies chez des opposants congolais » (Témoignage Chrétien, 29 janvier 2009), « Les affaires françaises de Papa Bongo » (Le Nouvel Observateur, semaine du jeudi 19 février 2009), « Vie et mort suspecte d'un militant franco-congolais » (La Croix, 25 mars 2009) et « Sale temps pour les opposants congolais » (RTL, 26 mars 2009).

    Cette affaire a également fait l'objet de plusieurs interpellations de la part d'organisations œuvrant pour la défense des droits de l'Homme. Le 6 février, le CPJ évoque cet étrange incendie. Le 16 février, le directeur général de l'Unesco, Koïchiro Matsuura, déplore la mort de Bruno Jacquet Ossébi et exhorte « les autorités à mener une enquête approfondie sur les circonstances de cet événement tragique ». Face à cette mobilisation, le procureur de la République congolais nomme, le 25 février, un juge d'instruction pour enquêter sur l'incendie. Malheureusement, les décombres de la maison où habitaient Bruno Jacquet Ossébi et sa famille ont été, entre-temps, rasés et nettoyés… A ce jour, personne n'a encore été en mesure de reconstituer de manière précise les circonstances de l'incendie.

    Pour plus d'informations sur l'affaire Ossébi : le reportage du CPJ intitulé « Un Incendie Mortel qui Suscite Beaucoup d'Interrogations » (23 avril 2009).

    Photo : Nicolas Sarkozy accueilli à Brazzaville par Denis Sassou Nguesso le 26 mars 2009 (Philippe Wojazer/Reuters).


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