Une solution : le fédéralisme
Aujourdhui des voix sélèvent en disant de ne pas faire aux autres ce que lon ta fait, ce que tu as subi, ce que tu as vécu. Quil faut pardonner ! Ils le disent afin que tu ne commettes dans le futur, un acte qui tidentifiera au bourreau. Comment toi qui as toujours prié Dieu, toi qui as toujours eu foi en Dieu, as-tu pu subir cela ? Une de tes filles, traumatisée dans sa foi tenait ce langage : « Ou bien Dieu est tout puissant et omniprésent, alors il est coupable davoir laissé faire cela, ou alors il nest ni lun ni lautre. Sil existait, alors sa présence simposait ».
Il ne faut pas désespérer, car tu dois affirmer fièrement que tu es Koongo. La vérité est que le 18 décembre 1998 est tellement insupportable pour les gens, que les auteurs de ce crime essaient de transformer les victimes en bourreaux. Ils justifient rétrospectivement le mal qui a été fait, en montrant que finalement tu méritais ce que tu as subi. En quelque sorte, une punition infligée de façon préventive, mais justifiée. Cest quils sont habiles dans la désinformation !. Pourquoi cette habileté ? Simplement parce quen expliquant le mal, ils mettent un voile sur la monstruosité. Cest pour cela que certaines régions préfèrent dissimuler lacte coupable et faire comme sil navait nullement existé. Ces régions ont oublié quil ne peut y avoir de rationalisation dans le mal, qui serait un moyen pour un futur bien.
Pool as-tu regardé les visages des miliciens, lorsquils revenaient de leur pillage des quartiers sud de Brazzaville ? En les regardant attentivement, tu te serais aperçu quils appartenaient à une autre catégorie. Une catégorie qui nétait nullement humaine. Tu aurais alors compris que ces hommes sont toujours ces monstres dont aucun animal natteindra jamais la cruauté. Cétait le mal, le mal transcendant, indicible, impensable. Cétait la forme la plus absolue du mal. Ils donnaient la mesure unique de ce quétait le mal tout court. Ce crime pour la réalisation duquel, des fils de la région hélas ! il faut le dire, ont participé par carriérisme pour les uns, par lâcheté pour les autres, pour lestomac enfin certains.
Pool, je te demande de te tourner vers lavenir. Une solution existe, mais une seule : ton autonomie qui conduira au fédéralisme. Nécoute surtout pas les baratineurs, qui te bercent par des formules qui conduiraient à une nation utopique. Ceux-là te diront quil faut espérer une nation avec les autres. En réalité, ils espèrent eux, nous utiliser, utiliser nos suffrages pour parvenir au perchoir. Cest à eux et uniquement à eux quils pensent, à eux seulement et pas à nous. Que cette date cauchemardesque du 18 décembre 1998, soit pour toi un pallier ! un pallier qui te permettra davoir la force de faire des choix justes, tant dans les hommes censés te guider, que dans les objectifs à poursuivre. Tel le phoenix, tu te relèveras des cendres. Les âmes de tes filles et de tes fils sans sépulture, qui errent dans la nuit te seront dun apport, car, il y a toujours Rédemption, même après la pire des atrocités. Pool, je ne te demande pas de renoncer à lidée de lomnipotence et de lomniprésence divines [ ]
Memorial
Surtout ne te laisse pas entraîner par ceux de tes fils qui diffusent le quantique de la haine et de la vengeance. Mais vengeance contre qui ? Nous voulons dun Etat où chacun puisse vivre en paix, et la réalisation dun objectif aussi noble ne peut sentourer de sang. As-tu besoin dune victoire militaire sur une autre région, dans la mesure où tu sais, que ce genre de victoire à la Pyrrhus se relève être une défaite de la civilisation ? Toute réflexion militaire, toute démarche militaire est nulle et rabaisse son acteur. Elles signifient seulement une incapacité à réfléchir autrement. Une victoire militaire est une défaite. Une défaite pour TOI POOL, car tu te retrouveras au même niveau mental et daccomplissement que tes agresseurs.
Tu ne pourras plus revendiquer ta différence. Ce quil te faut, cest une victoire qui va transcender les temps, une victoire qui va défier lentendement national et qui servira à la fois de leçon et de référence. Une victoire qui rappellera aux autres et qui leur fera dire : Plus jamais ça ! Il te faut bâtir un MEMORIAL pour toutes tes filles et tous tes fils tombés parce quils étaient fautifs dêtre Koongo. Noublie surtout pas que pour saccrocher au pouvoir, les autres justement brandissent lépouvantail du Sud et singulièrement du Pool, qui trancherait les têtes des autres une fois parvenu au pouvoir. On veut nous présenter en revanchards, ce que nous navons jamais été et que nous devons refuser de devenir, telle démarche étant contraire à notre weltanschaung [conception du monde, NDLR].
Ne donnons pas raison à nos bourreaux. Recherchons une victoire politique propre, car nous sommes un peuple civilisé, cela est une certitude. Nous navons nullement à prouver notre force, car si nous faisons peur, cest justement parce que nous sommes forts, cela nos adversaires ne le savent que trop bien. Le peuple Juif parle de lHolocauste. Et toi, peuple Kongo de quoi feras-tu état aux générations futures ? Devront t-elles se contenter dune oralité semblable à celle qui accompagne le nom de Matsoua André Grenard ? Auras-tu le courage de te bâtir un Mémorial ? Oui, ce Mémorial avec les noms de toutes tes filles et tous tes fils tombés, victimes de la barbarie. Et surtout, ne pas oublier de bien mentionner les noms de ceux qui en ont été les auteurs, les metteurs en scène. Car seule la mémoire est connaissance. Ne loublie pas !
Daniel Nkouta
(article également publié dans " Le Défi africain " N°077 du 09 décembre 2003)
NDLR - Daniel Nkouta est Capitaine de Vaisseau (Colonel) dans larmée congolaise. Il vit actuellement au Congo.