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    Interview de Monsieur Nguila Moungounga NKombo (NMK) à la Voix du Congo libre (La VCL) le 24/11/2007

    Monsieur Nguila MOUNGOUNGA NKOMBO, la Voix du Congo Libre vous remercie d'avoir accepté son invitation et de faire avec elle, le tour d'horizon des questions intéressant la vie politique et socio-économique du Congo, notre pays.

    La VCL : En juin et août 2007, il y'a eu des élections législatives au Congo qui, de l'avis des observateurs et de certains politiques, ont comporté de nombreux dysfonctionnements dans l'organisation. Cependant, le Président du Congo et son parti le Parti Congolais du Travail (PCT) disent que ce scrutin marque la consolidation et l'irréversibilité de la démocratie au Congo, qu'en pensez-vous ?

     

    NMK : Il n'y a ni logique, ni bon sens élémentaire dans les déclarations du pouvoir actuel de Brazzaville sur la lourde et honteuse mascarade de la dernière élection législative qui s'est déroulée au Congo. Ces déclarations nous ramènent à l'époque du globalement positif cultivé par le parti unique cripto-marxiste. Tout était à contresens pour les hommes de raison ; mais bon pour les hommes du pouvoir. C'est fuite en avant contre productive car d'autant plus que la dictature qui règne à Brazzaville ne s'embarrasse pas de logique, ni même de simple réalisme.

    La VCL : Vous avez affirmé à maintes occasions appartenir encore à l'Union Panafricaine pour la Démocratie Sociale (l'UPADS) qui est gangrenée de l'intérieur par une kyrielle de chapelles qui revendiquent chacune une supposée légitimité. Dites-nous Monsieur Moungounga à laquelle de ces chapelles appartenez-vous ?

     

    NMK : Je suis bien sûr toujours membre de l'UPADS dont je suis historiquement avec le Président Lissouba et deux ou trois autres camarades, les seuls vrais fondateurs. Depuis le Conseil national extraordinaire de décembre 1997, tenu en Afrique de l'Ouest à mon initiative, j'ai découvert avec une stupéfaction déconcertante le peu de maturité et d'engagement des dirigeants d'alors pour redonner force et détermination aux militants et ramener dans les meilleurs délais la démocratie au pays. La seule préoccupation qui les animait de façon constante était leur positionnement personnel alors qu'ils avaient normalement, statutairement et logiquement mission de redonner espoir aux militants et à nos compatriotes.

    Pour ne pas m'enliser avec eux dans des fausses querelles politiciennes, j'ai décidé de prendre quelque distance pour observer et de ne prendre absolument aucune part dans la tragi-comédie politicienne qui se déroule à l'UPADS. Par deux fois, quelques mois avant la parodie électorale de la saison sèche de cette année, j'ai donné mon avis sur la démarche ubuesque des dirigeants auto-nommés et autoproclamés de l'UPADS en signant avec quelques camarades restés fidèles aux fondamentaux du Parti, deux textes : le manifeste pour le retour de la démocratie et le mémorandum sur l'état de l'UPADS.

    Voilà ma contribution que j'espère utile pour les militants souvent abusés dans cet océan de confusion de l'UPADS dans la tourmente. Mais, ce n'est qu'une crise de croissance, comme celle que connaît souvent toute organisation humaine. C'est pourquoi, je reste serein et crois en l'avenir certain de l'UPADS, en ses contributions décisives pour demain, dans le combat pour le retour de la démocratie. Au reste, je n'appartiens à aucune chapelle ou tendance. Je suis cependant en accord parfait avec la base du Parti à qui je demande de tenir bon.

    La VCL : Monsieur Moungounga, les faiblesses de l'opposition congolaise demeurent son inorganisation, son manque de perspectives et son incapacité à mobiliser autour de ses valeurs. De nombreux acteurs politiques congolais traversent au gré de leurs intérêts des camps supposés adverses. Comment entendez-vous œuvrer pour rendre crédible et mobilisateur l'opposition Congolaise dont vous êtes leader ?

     

    NMK : Il n'y a pas une opposition, mais des oppositions. Il y a une opposition de façade entretenue par le pouvoir pour toujours tirer vers le bas les forces patriotiques et contenir leurs avancées.

    Il y a une opposition intérieure souvent méconnue sans grande expérience. Néanmoins, elle est mue par une réelle volonté et une détermination affichée de changement. : elle est démunie, traquée par le pouvoir qui utilise à tous propos le discours démobilisateur avec l'agitation du chiffon rouge du retour de la guerre qu'il brandit partout pour effrayer les populations et ruiner les efforts de cette jeune opposition que personne ne veut prendre en compte alors qu'elle a besoin de toute les forces de progrès pour décoller réellement.

    Il y a des centaines des milliers de militants des grands partis qui bien que se sentant trahis par leur ancienne direction n'ont pas baissé les bras et œuvrent pour l'avènement d'un vrai changement. Ils ont d'ailleurs montré de quoi ils étaient capables lors de la dernière parodie électorale.

    Il y a la formidable force des mouvements associatifs locaux et les forces patriotiques extérieures sans lesquelles le dictateur aurait abusé tout le monde et cachés ses nombreux crimes humains et économiques. Les conditions historiques favorables au changement se mettent inéluctablement en place. Elles permettent de rapprocher et d'unir objectivement ces différentes vraies oppositions qui vont forcément se retrouver au moment convenu par les circonstances.

    La VCL : La municipalisation accélérée de certaines villes du pays est devenue la face visible de la politique de la nouvelle espérance, le programme défendu par le Président du Congo en 2002. Partagez-vous l'optimisme du gouvernement qui entend par cette politique doter le pays des infrastructures modernes ?

    NMK : C'est certainement une bonne chose de permettre enfin une relative déconcentration du pouvoir en rapprochant l'administration courante des populations pour, j'espère, la prise en compte au quotidien de leurs problèmes élémentaires. Cependant, cela se fait actuellement sans conviction. Ce n'est donc qu'un effet d'annonce de plus qui ne change rien au vécu douloureux quotidien des congolais.

    Pendant 24 ans, de 1968 à 1992 et plus de 10 ans depuis le putsch de juin-octobre 1997, les agglomérations importantes de 10 à 50.000 habitants ont été sans administration représentative avec ce même pouvoir utilisant les mêmes méthodes. Quand on a déstructuré aussi profondément le pays et le corps social, peut-on avoir les moyens politiques et psychosociologiques de le reconstruire, en excluant du débat et de l'initiative les populations concernées ainsi que leurs vrais représentants ?

    Municipaliser suppose asseoir une administration représentative dans toutes les agglomérations depuis les métropoles jusqu'à toutes les sous-préfectures et villages d'au moins 2.000 habitants et regrouper sur un rayon de 5 km des villages avoisinants autour du plus important d'entre eux. Il faut en conséquence de la foi, de la générosité et une réelle et forte volonté politique. Or, le pouvoir actuel, assis par la force, bien éloigné de la réalité, de la vie des citoyens manque absolument de volonté politique et d'ambition pour le pays. Il veut seulement pour des raisons électoralistes donner l'impression qu'il s'intéresse enfin aux congolais.

    Comment et de quelle façon peut-il prétendre aujourd'hui faire ce qu'il n'a pas pu faire comme dictateur absolu en 13 ans de 1979 à 1992 et en 10 ans depuis 1997 ? C'est une imposture, une de plus, comme le « vivre durement aujourd'hui pour mieux vivre demain » de 1979 qu'on n'a pas vu venir ; l'autosuffisance alimentaire d'ici à l'an 2000 du premier plan quinquennal qui a lamentablement échoué et la nouvelle espérance de 2002 qui est un vrai cauchemar pour les congolais. Tout ceci n'est qu'un moyen habile pour détourner davantage les ressources du pays.

    La VCL : De nombreuses régions et des villes du pays ont connu des destructions du fait des guerres récurrentes des années 90. Bien souvent, et malheureusement, elles ne se sont pas remises de ces affres et de ces traumatismes. Quel aurait été d'après vous le rôle de l'Etat pour panser les plaies, les blessures psychologiques et redonner vie et confiance dans ces zones d'habitations meurtries ?

     

    NMK : Pour moi, la première démarche psychologiquement centrale pour redonner confiance aux populations c'est d'abord réconcilier sincèrement et sans exclusive aucune, les forces politiques et sociales, réconcilier les populations, redéfinir clairement et objectivement les règles fondamentales du vivre ensemble pour reconstruire l'âme du pays et de la Nation.

    Il faut ensuite penser aux populations directement et personnellement affectées par les violences : les recenser, recenser leurs lieux d'habitation d'avant la guerre, définir le niveau d'indemnisation de chacun et la période d'exécution de cette indemnisation pour permettre à chaque famille de se reconstruire dans son milieu d'habitation d'avant guerre.

    En son temps, le Président Youlou l'avait fait pour les victimes de 1959. Le faire aujourd'hui est un premier acte de retour de la confiance pour les populations. Il faut ensuite une loi de programmation spécifique de reconstruction des agglomérations, des régions dévastées par la guerre que le pouvoir a imposée aux populations, notamment le Pool, la Bouenza, le Niari, la Lékoumou, de la Cuvette et de la région de Brazzaville.

    Cette loi de programmation aura l'avantage de relancer l'activité économique par l'ouverture des vastes chantiers pluriannuels offrant de l'emploi aux nombreux jeunes aujourd'hui désœuvrés. C'est ainsi que seront récrées les conditions optimales de convivialité nécessaires à la paix véritable et durable pour asseoir la solidarité nationale.

    La VCL : Monsieur Moungounga comment expliquez-vous que malgré les taux de croissance oscillant entre 4 et 6 % par an enregistrés depuis 4 ans en terme macro-économique, la situation sociale et les performances économiques des autres secteurs hors pétrole ne soient guère reluisantes.

    NMK : C'est le tout pétrole qui est une démarche ruineuse puisque tous les autres secteurs sont abandonnés. Le pétrole devait servir de levier pour promouvoir l'investissement intelligent de dans tous les secteurs d'activités et soutenir le développement. Quand le gouvernement démocratique était au pouvoir, nous avons réussi a assainir les finances publiques et réactiver les secteurs d'activités jusque là en veilleuse. Nous avons réussi en quatre ans de passer du taux de croissance négative -5% au taux positif de croissance de 6,5% ; soit une augmentation de plus 11 points. Le niveau le plus fort du prix du baril du pétrole que nous avons connu était de 22 dollars le baril en quelques mois seulement entre 1996 et 1997. L'ensemble des secteurs de l'économie était en activité. Avec le niveau actuel du prix du baril du pétrole, le pays devrait connaître des taux de croissance à deux chiffres de l'ordre de 15 à 20% au moins avec logiquement une redistribution sociale significative si le pays était normalement administré.

    La VCL : La question du pétrole, de l'affectation des ressources qu'il génère et leurs retombées en terme de bien-être social demeurent encore une préoccupation pour l'ensemble du pays. Pensez-vous que le pétrole est une fatalité pour le Congo ? 

    NMK : Le pétrole est une chance formidable, un don divin pour le Congo. Beaucoup des pays aimeraient être à notre place. Le problème est celui des hommes qui se sont appropriés politiquement le pays, sans projet sauf celui d'assouvir leurs envies personnelles, qui pour se maintenir et conserver leurs privilèges sans contrôle, créent des conflits pour éloigner les populations du centre des décisions et livrer le pays aux aventuriers.

    Comment expliquez-vous la dynamique extraordinaire des projets réussis de la Libye et de l'Algérie qui sont des pays africains et celle des pays du golfe ?  Le pétrole ne serait donc pas une malédiction pour cette partie d'Afrique ? et la Guinée équatoriale, toute nouvelle venue dans le club des pays producteurs du pétrole pourquoi conduit-elle à la fois des projets de développement de ses infrastructures et de son économie. Il faut arrêter de justifier l'incurie générale et l'incompétence avérée de la dictature par des gesticulations qui n'ont pas de place dans une société normale. Il n y a aucune raison que nous ne soyons pas une société normale si nous en avons une claire vision et une réelle ambition pour garantir au pays un avenir convenable.

    La VCL : Les déficits budgétaires s'accumulent chaque année, consolidant encore une dette déjà exponentielle de plus de 9,5 milliards de dollars US. On croyait que les contrats de partage de production étaient la panacée qui allait augmenter, de façon significative, les marges budgétaires gouvernementales. Or il n'en est rien. Alors Monsieur Moungounga, le contrat de partage de production tant vanté, n'était-ce qu'un leurre, juste une illusion pour cacher le manque de visibilité de l'action du gouvernement auquel vous apparteniez ?

    NMK : Passer d'une redevance de 19% souvent hypothétique à cause des questions de gestion invoquées à tort ou à raison par des sociétés pétrolières à 33% de partage réel et certain de production de brut est en soi une révolution. Les pétroliers voulaient le partage sur les gisements nouveaux, à partir de Nkossa ; nous avons obtenu le partage de production sur tous les gisements existant et à venir.

    La différence est énorme par la certitude et la régularité. Nous avons obtenu en plus une clause spécifique qu'au-delà de 22 dollars le baril, la différence serait repartie à raison de 85% pour le Congo et 15% pour les sociétés pétrolières. Ce qui suppose qu'aujourd'hui, avec un baril à 95 dollars, une différence de 73 dollars serait dégagée dont 85% reviendrait au Congo soit 60 dollars de plus pour chaque baril sur les 67% restant de toute la production pétrolière nationale. Cela génère donc d'énormes sommes d'argent que la dictature fait évaporer alors que le Congo devrait avoir des gains budgétaires de l'ordre de 9 à 10 milliards de dollars en plus depuis au moins deux ans.

    Le déficit budgétaire d'un tel niveau ne s'explique pas. A la Conférence Nationale Souveraine, il avait été établi une dette de 5 milliards de dollars. Malgré la dévaluation du franc Cfa que je dirais de 100% puisque nous sommes passés de 1 franc français égal à 50 francs à 1 franc français égal à 100 francs CFA en 1994 doublant ainsi le niveau de la dette car tous les créanciers avaient refusé de tenir compte de cette dévaluation.

    Avec les ajustements structurels, les remboursements effectués et les réaménagements obtenus auprès des créanciers, nous avons réussi à maintenir la dette à un niveau soutenable nettement en dessous du chiffre retenu par la Conférence Nationale Souveraine.

    Le déficit budgétaire était d'environ 35% du Budget général de l'Etat, arrêté au taux courant actuel à environ 200 millions de dollars. Ce qui est loin du chiffre que vous avancez.

    Demandez plutôt au pouvoir dictatorial où va l'argent ? puisque toutes ces sommes (environ 12 milliards de dollars US) ne peuvent pas être englouties par la corruption à l'intérieur et à l'extérieur du pays dans la recherche éperdue des soutiens contre son propre pays et ses compatriotes, surtout que les congolais ne voient rien des ressources qui leur reviennent naturellement. Quelle est alors la place des congolais dans leur propre pays ?

    La VCL : Le Congo a engrangé depuis 2003, chaque année, plusieurs milliards de dollars en recettes pétrolières. Mais jamais les signes d'une paupérisation n'auront été aussi visibles. Comment pourriez-vous expliquer un tel décalage entre les sommes énormes perçues et la misère qui affecte l'ensemble du pays avec seulement 3 millions d'habitants et une jeunesse qui n'attend qu'à être utilisée ?

    NMK : Le pouvoir a voulu construire une politique de destruction du corps social en appauvrissant de façon aussi systématique et aussi probante toutes les couches de la population, s'assurant ainsi le pouvoir absolu. Tout doit dépendre de son bon vouloir, il veut décider de quand et comment prendre ou retirer le pain de la bouche de chacun. Il tire ainsi fierté d'où son arrogance déraisonnable. L'humiliation par le dénuement organisé pour plier les plus fragiles est une arme redoutable dont se sert lâchement la dictature de Brazzaville.

    La VCL : La population Congolaise vit de façon dramatique les affres de cette misère sociale et récurrente. Les premières victimes de cette situation sont notamment les retraités, les paysans et les chômeurs sans ressources. Les gouvernements successifs n'ont jamais mis en place les mécanismes d'une véritable solidarité. Ne pensez-vous pas que le temps est venu où la nation devrait réfléchir aux moyens d'une prise en charge de ces personnes vulnérables ?

    NMK : Tout le monde est fragilisé et les familles détruites parce que le pouvoir ne se sent pas concerné par la misère profonde et tragique des populations. Cette démarche aberrante contient en elle-même les germes de sa propre destruction. Un système ne peut pas se maintenir durablement au pouvoir sans partage, sans une politique de solidarité construite consensuellement pour garantir l'équilibre de la société. C'est une obligation et un devoir pour tout pouvoir normal d'asseoir une dynamique solidaire forte ; de considérer le partage comme un facteur essentiel de paix durable.

    La société ne peut se développer sans partage et l'économie ne peut prospérer sans une redistribution équitable qu'accompagne une politique de considération et de respect de l'autre pour qu'il se sente concerner par la vie de la communauté. L'exclusion forcée et humiliante est ruineuse. Elle porte les germes d'un bouleversement certain qui redéfinira les rapports de force car rien ne peut arrêter le besoin préoccupant de changement quand son heure arrive. Personne n'a jamais pu arrêter le progrès : c'est comme un torrent qui déferle. Le progrès social est dans l'ordre naturel des choses. On s' y adapte ou on est emporté.

    La VCL : L'Ecole congolaise est malade de plus de trente ans de démagogie, d'inertie et de blocage en tous genres. Elle est mal préparée et mal adaptée aux évolutions que requièrent le monde moderne de la connaissance et de l'éducation. Quelles pourraient être d'après-vous les pistes de réflexion et d'action pour réhabiliter ce secteur ?

    NMK : L'école est en panne parce que cela relève de la même démarche vaniteuse et irrationnelle. Vouer la jeunesse à l'illettrisme pour privilégier un petit groupe des parents et d'amis proches, complices de tous les coups bas, croyant ainsi perdurer et transférer l'héritage de domination aux siens.

    Mais la monarchie de succession absolue n'a plus de place dans un monde qui se veut démocratique. Le potentiel de capacité, hélas, n'est toujours pas héréditaire. Les conditions de privilège ne sont pas non plus la garantie de la réussite scolaire.

    L'école est avec la famille le fondement essentiel du corps social. L'école est le creuset de la république, du civisme et de la construction d'un pays. Détruire l'école est absolument criminel. C'est un crime contre l'humanité.

    Il est écrit dans toutes les constitutions du monde que l'Etat a l'obligation d'instruire et de former le jeune citoyen qui, lui, doit le considérer comme un droit absolu. L'école doit être publique, obligatoire et gratuite. La formation des formateurs est un objectif essentiel prioritaire pour assurer un enseignement de qualité. L'école prépare à la responsabilité sociale, économique, citoyenne et politique. Sans école moderne et adaptée, il n'a y ni Etat indépendant ni responsabilité partagée, ni paix et sécurité durables.

    Il est nécessaire aujourd'hui en fonction de l'urgence des besoins, de réhabiliter l'école publique, de définir une carte académique pour un partage du savoir et se donner les moyens suffisants de réhabilitation du corps social, de restructuration économique pour l'adapter et la promouvoir au bénéfice du développement et de la solidarité nationale.

    La VCL : L'exclusion des Congolais aux soins de santé n'est plus seulement une vue de l'esprit. On meurt encore de malaria comme au milieu du siècle dernier. Bref, il manque de tout. Pensez-vous que cela soit uniquement une question d'insuffisance de crédits alloués à ce secteur ?

    NMK : La dégradation du système de santé relève du désintérêt affiché par le pouvoir devant les souffrances des populations. Le corps médical, pourtant de grande qualification ne bénéficie d'aucune considération du pouvoir et d'aucune motivation réelle en terme de reconnaissance et de rémunération convenable en contre partie de son très grand dévouement malgré les conditions extrêmement difficiles de travail.

    L'infrastructure hospitalière est en situation de dégradation avancée. Les services d'hygiène sont en panne et à l'abandon. Le retour galopant des pandémies longtemps enrayées, l'absence de prévention, la trop grande faiblesse des services sociaux qui n'existent que dans certaines villes mais de façon insuffisante, montrent bien que les populations sont abandonnées à leur sort. C'est la faillite proclamée de l'Etat.

    La santé doit être une priorité permettant non seulement la disponibilité et l'efficacité du monde du travail ; mais aussi, le bien être physique de chacun.

    Valoriser les métiers de la santé par la considération et la rémunération qu'ils méritent. Définir une carte sanitaire régionale et nationale pour une politique de prévention générale, une médecine de proximité qui sont aujourd'hui une exigence prioritaire qui doivent être sous-tendues par une sécurité sociale et une aide efficace pour les familles afin de garantir la santé pour tous.

    Pour asseoir et développer l'économie et garantir le développement du pays, il faut des travailleurs en bonne santé et efficace. L'imagination et la créativité ne peuvent se mouvoir de façon conséquente que soutenues par un corps sain, un cerveau libéré des contraintes sociales et psychologiques courantes.

     

    La VCL : L'Administration Congolaise se distingue à l'heure actuelle par l'émergence et la pérennisation des contre-valeurs : corruption, inefficacité, absentéisme, désintérêt, irresponsabilité et clientélisme. Face à ces maux comment remettre cette administration au travail ?

    NMK : L'Administration actuelle souffre de nombreux dysfonctionnements qui sont la résultante naturelle de la faillite générale de l'Etat. La faiblesse de l'Etat a généré des réseaux parallèles nombreux dont les pratiques dangereuses sont entretenues par le pouvoir pour éloigner l'administration des populations. La voie ouverte à toutes les dérives profite grassement au pouvoir et aux protégés autour du pouvoir, ce qui a pour conséquence la destruction de ce qui restait de l'Etat. Pourvu qu'on ne convoite pas « le fauteuil du dictateur » tout le reste est permis aux plus forts. D'où la nécessité urgente, l'exigence du changement pour sauver l'essentiel de ce qui reste encore au moins en tant que réflexe citoyen.

    Réhabiliter l'Etat, le réformer pour le moderniser, reconstruire son administration tant au niveau national que des collectivités locales pour la rapprocher des populations et la consolider pour en faire un vrai service public accessible à tous, en même temps qu'un support efficace à l'initiative et à la décision publique. Cette mission s'impose comme un impératif.

     

    La VCL : Monsieur Moungounga vous avez souvent formulé des critiques contre le pouvoir actuel au Congo Brazzaville. Dans le même temps, vous avez esquissé quelques orientations en vue de redresser la situation. Et pourtant, vos adversaires au pouvoir rétorquent souvent contre vos récriminations qu'en 5 ans de gouvernement, vous n'aviez rien construit de concret. Qu'en dites vous ?

    NMK : Je ne voudrais pas vous être désagréable, parce que vous semblez emboucher la trompette de propagande mensongère en voulant nous ramener aux arguments de parade maladroite du pouvoir pour justifier ses très nombreux manquements. Est-il logique de comparer 5 ans difficiles avec 34 ans de pouvoir absolu. Voyez-vous le pouvoir a toujours voulu faire porter par d'autres ses crimes, ses échecs et son incurie.

    Dès fin 1997 le pouvoir nous a traité de génocidaires. Faisons donc la comptabilité des morts ; conséquence des violences organisées par lui de 1992 a aujourd'hui. Il a prétendu en revenant au pouvoir à la suite du coup d'état, que nous avons emporté les caisses de l'état alors qu'en même temps la Banque Centrale des Etats de la CEMAC a publié les comptes laissés par nous et dit que tous les signes monétaires étaient normalement en place.

    Faisons donc aujourd'hui la comptabilité des ressources attendues par l'état et de celles qui se sont envolées vers des destinations non publiques au bénéfice exclusif des tenants du pouvoir et leurs amis. Comparez-les avec celles présumées détournées à notre époque pour enfin établir la responsabilité des uns et des autres.

    La Conférence Nationale Souveraine avait constaté la banqueroute de l'Etat. En 5 ans nous avons réussi à assainir les finances publiques et le fichier de la fonction publique obtenu grâce aux ajustements structurels successifs, le retour de l'équilibre macro économique. Nous avons reçu les félicitations de la Banque Mondiale du FMI de la BAD pour la qualité recouvrée de la gestion générale de l'économie et des finances. Le pouvoir actuel ne peut pas en dire autant.

    Durant la même période, nous avons mis un coup d'arrêt au tout pétrole et réhabilité les secteurs longtemps abandonnés de l'économie ; la filière café cacao dans le coma pendant plus de 10 ans, la filière bois, le secteur des mines solides que nous avons redéfini avec le concours de l'Afrique du sud une carte minière nationale.

    Nous avons initié et lancé le chantier de la décentralisation avec la création des nouvelles régions, notamment la Cuvette Ouest, la création de nouveaux districts, des nombreuses municipalités pour rapprocher l'administration des populations longtemps abandonnées. Nous avons lancé la médecine mobile pour une couverture sanitaire des populations les plus éloignées des centres de soins courants.

    Nous avons lancé le projet de construction des grands entrepôts nationaux sur le modèle du Marché de Rungis en France, à Brazzaville, Pointe-Noire et Loudima, d'entrepôts régionaux dans toutes les capitales régionales du pays. Nous avons initié le projet de la construction de l'autoroute Brazzaville - Pointe-Noire avec déjà dans les cartons le tracé ; la grande route Loutété-Zanaga-Makoua-Souanké ; le tout sous le poids des violences à répétition provoquées et soutenues par l'actuelle dictature de décembre 1992 à 1994 . Nous avons en réalité travaillé que pendant 30 mois sans argent faisant face à une énorme dette laissée par le dictateur actuel avec un baril de pétrole entre 10 et 15 dollars ; 18 à 20 dollars à partir de 1996. Surtout, nous avons obtenu le partage de production pour une rémunération plus juste de nos ressources du pétrole.

    Laissons donc les congolais juger librement et objectivement et comparer notre bilan économique social et politique de 5 ans nettement positif avec le bilan profondément lamentable' alimenté de sang, de larmes d'humiliation et de privation de toutes sortes et de même de déni national de 13 ans (1979-1992) et de 10 ans (1997-2007) du dictateur actuel et finalement 34 ans de pouvoir sans partage du Parti Congolais du Travail (PCT), avec en prime, des ressources immenses surtout entre 1980 et 1984 et de 2002 à nos jours. Il est donc nécessaire que soit fait un audit de gestion des pouvoirs successifs depuis 1968 pour établir la responsabilité des uns et des autres.

    La VCL : La liste des exilés rentrés au Congo ne cesse de s'allonger avec le retour, notamment, de Bernard Kolélas, Jacques Joachim Yhombi Opangault. Finalement l'opposition au régime de Brazzaville se réduit en peau de chagrin. Peut-on penser que dans les semaines et les mois à venir, vous-même pourriez rentrer au Congo ?

    NMK : L'opposition est une culture, une démarche alternative qui conduit à proposer les bases d'une société plus juste et équitable. N'est pas opposant qui veut. Etre opposant, c'est accepter de souffrir et même de ne pas voir se réaliser le projet légitime que l'on porte si les conditions historiques positives ne sont pas réunies et ne permettent pas de réaliser l'objectif essentiel fixé.

    C'est également un engagement personnel et unilatéral ; une conviction profonde de la nécessité de contribuer efficacement à la promotion des valeurs essentielles qui fondent la liberté, la justice, le progrès et la démocratie. L'action de l'opposant vise à construire une nation forte, respectée par les autres et durablement solidaire.

    Or, le pouvoir actuel de Brazzaville, qui est une dictature, ne peut accepter une opposition qui contrarie ses ambitions dévastatrices. Il n'a pas besoin de s'embarrasser de la nécessité de la reconnaissance et de la défense des droits et libertés des citoyens. Ce pouvoir joue à fond la carte de la paupérisation de la classe politique nationale peu expérimentée pour l'assujettir. Il profite honteusement de la misère des autres pour les recruter à peu de frais, les humilier devant les militants et les citoyens. Il déploie lâchement sa démarche de vagabondage politique essentiellement assise sur un repositionnement de ses nouveaux obligés en leur montrant qu'il est devenu le maître absolu. Cette manœuvre est cependant totalement dérisoire car on peut être maître du corps apparent d'une personne ; mais, jamais de ce qu'il cogite dans son cerveau.

    En fait, le problème de mes compatriotes, c'est malheureusement de voir l'opposition non pas dans son principe mais de l'assimiler à des individus ciblés alors qu'ils peuvent changer de camp en fonction des circonstances en privilégiant plus souvent leurs intérêts immédiats et personnels.

    La VCL : Pour en finir avec notre entretien : à quelles conditions accepteriez-vous de faire la paix des braves ?

    NMK : La paix dite des braves avait été négociée à Libreville en décembre 1999 et signée à Brazzaville en cadeau au dictateur. Depuis lors, il n'a respecté aucune des dispositions essentielles de l'accord notamment l'article 13 sur la réconciliation nationale sans exclusive.

    Condamner sans réels motifs des citoyens respectables et des leaders politiques pour les éloigner durablement de leur pays et de la scène politique nationale n'a pas vraiment réussi au pouvoir. Il essaie aujourd'hui une autre politique dite d'amnistie sélective pour des gens condamnés pour des mêmes griefs présumés : ce qui est une véritable aberration juridique. Mais, puisque que dans la politique du dictateur et selon sa logique, tout est possible, il a alors sélectionné ses élus.

    Pour ma part, la seule condition qui vaille pour donner une nouvelle chance au pays, c'est la nécessité absolue de réconcilier les citoyens, les forces politiques, les représentants des mouvements associatifs et religieux de façon totalement inclusive afin de redéfinir de manière concertée les règles de la vie politique et démocratique pour une paix véritable et durable et la République.

    Propos recueillis par Cosly Badol

     

    SOURCE : http://www.congolibre-info.com/politique/

     

    Ci-dessous, pour réecouter l'interview que Moungounga a accordée à Mwinda, cliquez ci-dessous

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