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    Chers amis,

    Suite au débat ô combien fécond sur la tribalité, initié par Kovalin Tchibinda, auquel je n'ai pas pu participer par le simple fait que j'avais mon anniversaire à organiser ce jour là; je vous propose ma contribution


    Djess

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    La manipulation ethnique : le péril congolais


    Dans notre longue et laborieuse quête d'un système de gouvernement  idoine pour le Congo, nous avions il y a quelques temps, avec d'autres patriotes,  exploré les vertus du fédéralisme. La réflexion avait été dévoyée par  certains bornes politiques qui avaient  flétri ce système,  en portant sur les fonts baptismaux,  le présidentialisme à la congolaise, source de dérives notamment celle de  se muer en  dictature constitutionnelle.  Par conséquent, je me garderais  ici de m'étaler sur ce changement de paradigme induit par la mondialisation, qui explique cet attrait constant que le monde des États Nations a de plus en plus envers les fédérations, qui paraissent répondre le mieux sur le plan politique, aux besoins inhérents à la diversité dans toute sa complexité.

    Une constante : depuis l'indépendance,  l'utilisation subliminale de l'ethnicité reste la  figure classique de la chorégraphie politique dans notre pays, toujours pour le pire. Ainsi, à défaut  d'utiliser  la diversité ethnique comme un socle autour duquel devrait se bâtir toute stratégie de développement, les grands acteurs politiques congolais se sont livrés à une instrumentalisation ethnique en règle, dans le but de s'approprier l'État pour ainsi extraire les avantages liés à sa confiscation exclusive. Avec l'avènement du multipartisme, ils se sont donc repliés sur leur base ethnique en leur faisant miroiter l'imminence du contrôle ou de la perte de l'État.

    Pour conjurer la catastrophe et aider à préparer notre pays à affronter la nouvelle donne internationale de plus en plus complexe, toute réflexion devrait s'interdire de distribuer l'aménité ni de séduire inutilement, elle doit armer. Comprendre pour s'armer contre les basses stratégies de ceux qui tirent doctement les ficelles dans le clair-obscur, exige un éclaircissement de l'approche conflictuelle des ethnies.

    Disons-le d'emblée : la polysémie autour du concept d'ethnie n'en fait pas un impedimenta. Au contraire, la diversité ethnique reste un socle autour duquel devrait se bâtir toute stratégie de développement. Il est urgent d'appréhender la volonté humaine qui s'ingénue chaque jour à transformer le domaine ethnique comme un lieu de chaos, de l'anarchie et de l'explosion de toutes les forces anti-culturelles.

    Les leaders véreux, adeptes de la manipulation  ethnique ne sont pas l'apanage d'un seul parti politique ni d'une seule ethnie. Cependant, pendant la  longue période du pouvoir  Pctiste, notamment   ces dernières années, c'est   l'ethnicité qui éclate dans toute son horreur.

    Les électeurs du Pool, orphelins de Kolelas qui s'était inventé un rôle messianique, ne sont pas sortis de l'auberge. Ils risquent désormais de tomber dans les griffes envoûtantes du Pasteur  NToumi, l'actuel allié de Sassou qu'il  qualifia jadis de  « illuminé (…) à la tête de bandits armés et de secte mystico-religieuse sans programme politique ». (1)

    Alors que les dépouilles des victimes jalonnées par Sassou pour accéder au trône, étaient encore fumantes, contre toute attente, M'Béri Martin, ex-numéro deux du régime Lissouba, rejoint Sassou. Ce signal fort, a permis à Sassou de légitimer son coup d'Etat et de poursuivre son oeuvre macabre dont nous n'avons pas encore fini de payer la lourde facture. Pour avoir le soutien de certaines âmes fragiles de sa région, son leitmotiv était de servir de bouclier psychologique contre les éventuelles fureurs destructrices de Sassou, quand il voudra punir ceux qui avaient osé le priver de " son " pouvoir pendant plus de 5 ans. Sans scrupules, Sassou foula aux pieds cet accord tacite et fit dévaster avec maestria ces régions, par ses sbires angolais et hutus rwandais, sans que l'allégeance de M'Béri envers cette dictature ne serve à quelque chose. Le but inavoué de son ralliement, de même que ceux de Moukouéké et Tamba-Tamba étaient  donc d'acquérir une parcelle de pouvoir politique permettant l'accumulation des richesses grâce à la prédation organisée au sommet de l'Etat. Il ne se font  pas prier. Munari, ex-directrice de cabinet de Lissouba  est celle qui a fait ce grand écart inimaginable en soufflant le chaud et le froid.

    Le régime lissoubien fut caractérisé par la prise en otage de tout un pays en s'appuyant sur les ressources ethno-régionale. En dehors de l'inopportunité de sa théorie de " tribu-classe " aux fondements hasardeux, une autre stratégie plus dévastatrice et plus insidieuse avait les faveurs de ce régime. Le saviez-vous ? Le manque d'enthousiasme des leaders dans l'amélioration des conditions de vie des populations n'était pas fortuit, il obéissait à une stratégie de paupérisation de la base électorale pour l'avoir à sa merci pour des combats futurs.

    La vassalité puis l'allégeance des populations à l'égard des leaders ont été aisément obtenues en accentuant leur paupérisation. En clochardisant délibérément les jeunes, l'enrôlement du grand nombre d'entre eux dans les milices du pouvoir, conçues pour la réalisations de leurs desseins bassement matériels , s'est fait sans peine. Les populations sont ainsi victimes d'une violence insidieuse dont ils sont dans l'impossibilité de s'affranchir, car l'asymétrie de l'information qu'ils reçoivent des leaders augmente leur obscurantisme.

    Quant à Sassou, en revenant au pouvoir dans les conditions que l'on sait, il s'était très tôt inventé des alliés fidèles : la violence et la terreur.
    Il va les entretenir, les distiller à dose homéopathique au moindre soubresaut. Dès sa prise pouvoir en Octobre 1997, il annonce sans ambages à tous ses supporters venus nombreux le soutenir à un de ses meetings de victoire, qu'ils étaient revenus aux affaires, ce qui supposait une jouissance insouciante et inespérée des avantages conférés aux serviteurs de l'Etat. Le retour de l'ordre Kaki, avec lui le prestige et l'accumulation de richesses inespérées sur fond d'une mise à jour du " Yaka Noki noki " qui avait fait ses preuves autrefois dans l'accentuation de la dysharmonie sociale.

    L'euphorie de cette victoire militaire sur ses adversaires de 1997, conjuguée à la force de persuasion des marchands de la peur, avaient fini de convaincre les plus réticents de ses partisans qui croyaient encore aux vertus démocratiques. Désormais, chaque chute entraînerait la leur également. En liant son destin ombrageux au leur, le piège se referme sur tout le monde. On se sent complice d'une barbarie.

    Quelques réalisations tape-à-l'œil, comme la construction de l'aéroport militaire d'Ollombo, ou la construction des bâtisses hideuses à Oyo, sans réels effets d'entraînement sur l'amélioration des conditions de vie des populations, renforce la fascination des populations à l'égard de Sassou.

    Si la manipulation est incontestablement ethnique, on ne peut aucunement la confondre avec une volonté ethnique de domination. La vitalité du marché d'allégeances reste soutenue par les deux faces du miroir aux alouettes qui sont : l'espérance du contrôle de l'Etat et la crainte de la perte des avantages liés à l'accaparement de celui-ci. Les faits nous livrent une toute autre réalité. Sous Lissouba, seuls ceux qui gravitaient autour de " la bande des quatre " avaient réussi à rentabiliser leur allégeance. Partout ailleurs, la désillusion fut massive.

    La base ethno régionale de Sassou végète dans la misère totale, alors que les Nguesso, devenus fous par les recettes pétrolières exorbitantes, s'inventent des destins susceptibles de faire rougir les Duvalier. Dans l'histoire d'Afrique, peu de dictatures ont brillé par tant de mépris à l'égard de leur peuple. Les dernières turpitudes évoquées par «  La lettre du Continent n° 579 »  mettent à nu  une pseudo  confrontation ethnique sur fond de gestion de la principale ressource du Congo qu'est le pétrole. Elle  opposerait Mbochi d'Ollombo et Mbochi de Boundji. Elle ne concerne que les fils d'un même périmètre du territoire national. Un flagrant délit de « tribalisme gouvernemental ».  D'un côté il y a Blaise Elenga ( d'Ollombo) qui serait soutenu par Claudia Sassou et Bouya, de l'autre, Denis Gokana ( Boundji) qui aurait le soutien de Rodolphe Adada. C'est le Congo actuel, où un clan de mafieux s'empare de la principale ressource du pays.

    Alors que faut-il faire ?  Souffrir ? Rire ? Sourire ?
    Non ! La question est trop grave. Notre pays  continue à offrir l'image d'un enfant qui tombe dans un puits. Les témoins de la scène s'arrêtent à la margelle et personne n'ose entrer dans le puits pour sauver le pauvre innocent. Le pays est à sauver. Et comme pour  la fameuse jarre de Ghezo  Roi d'Abomey, l'apport de tout un chacun est appelé à être décisif.

    (1 ) Le Monde   du 21 mars 2003

    Djess dia Moungouansi  (Membre du Cercle de Réflexion LA Rupture)

    Le blog de Djess


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